Un petit condensé (pour ne pas dire un « réchauffé ») de trois journées au Kazakhstan.
En effet manque de temps, fatigue, manque de connexion internet font que le rythme journalier n’a pas été tenu.
Cependant la chronologie sera respectée au sein de ces 3 journées 😎.
Jeudi 9… jour faste puisque je change d’année. En soi c’est un changement mineur mais ça me survolte un peu et je change mon plan de route pour rallier Khantau en une étape.
Je devais normalement faire étape à Mirnyy après un trajet de 58 km. Mais mon arrêt à Ulken était une petite erreur qui m’a fait faire 10 km en sens inverse. Donc rallonger l’étape suivante de 10 km.
Et Mirnyy est également un détour, tout ça pour arriver dans un petit bourg sans le moindre intérêt autre que de rencontrer ses habitants. Si je continue la route je regagne les 10 km et je vise Khantau, village un peu plus gros, où j’aurais tout autant d’autochtones à rencontrer.
Donc c’est parti pour environ 118 km sans trop de dénivelé (550 m). Je regardais ce matin un entraînement de Tadej Pogācar : 173 km pour 5.500 m de dénivelé positif ! Dix huit fois la Tour Eiffel à grimper, l’Everest depuis Katmandu… Ils sont fous ces pros!!
Donc je pars de l’hôtel relativement serein et confiant.

Un dernier coup d’œil à Ulken et sa centrale de distribution électrique :

Je fais encore quelques photos du Balkhash qui se termine bientôt

Les derniers poissons dans le dernier café avant de quitter la M 36 que je suis depuis Nur-Sultan :

Maintenant j’emprunte l’A-358, la M-36 continuant jusqu’à Almaty, l’ancienne capitale du Kazakhstan.
Pour entamer cette nouvelle route je fais taxi-criquet :

Ce petit compagnon est solidement accroché à ma sacoche avant gauche, je peux donc converser avec lui.
Si cela vous arrive (converser avec un criquet), méfiez-vous ! Ça peut être le signe d’un début d’insolation 🥵
En effet il commence à faire chaud, le vent défavorable se renforce et dessèche mes pauvres lèvres : pas moyen de sourire dans ces conditions.
D’ailleurs je n’ai pas trop envie de sourire…
Au kilomètre 41 je décide de faire des arrêts chaque 10 kilomètres et de me reposer 10 minutes.
Excellente idée sauf qu’elle se reposer en plein soleil n’est pas un repos…
Je rappelle le proverbe touareg : « l’eau c’est la vie, l’ombre c’est le repos, le lait c’est la nourriture ». Vous qui allez prendre des vacances, certainement au soleil, cet été, méditez ces trois principes qui viennent d’un peuple qui connaît la chaleur et le désert.
Et l’absence d’ombre veut dire « pas de repos » : c’est simple et sans contradiction possible.
S’arrêter en plein soleil ne permet pas de se reposer.
Mais j’avais prévu une parade : mon petit parapluie 😵💫
Bon ça c’est ce que je pensais…
Il m’aurait fallu un parasol Tropico ou Perrier, comme ceux qu’on voit à la terrasse de nos cafés où il fait bon déguster un panaché bien frais (Ô la condensation sur le verre…) ou un petit Pastis de Marseille (Ô le bruit des glaçons contre le verre ! )
Ici rien de tout cela.
Dans les déserts que j’ai fréquentés, il y avait toujours un acacia majestueux pour permettre à 8 où 10 personnes de s’étendre sur un matelas et faire une petite sieste (quel joli mot que le mot « sieste ») avant de repartir, à une heure moins torride, vers l’oasis ou la guelta qui servirait de halte bienfaisante et réparatrice le soir.
Ici rien de tout cela (je sais, je me répète).
A moins d’être une fourmi, impossible de se mettre à l’ombre d’un brin d’herbe.
Et mon pauvre parapluie, en plus, se retourne sous les rafales. Je dois m’incliner face au vent ce qui réduit à un confetti (au fait vous savez que « confetti » ça veut dire « dragée » en transalpin et qu’on se lançait des dragées dans les carnavals italiens et, pour éviter les blessures par jet de dragées on les a remplacées par des bouts de papier, mais on a gardé le nom) la portion d’ombre à laquelle j’ai droit.
Je cuis… lentement mais sûrement, je cuis.
Cinquante et unième kilomètre, ça va je tiens le coup.
Soixante et unième kilomètre: je suis à la moitié.
Comment ça la moitié ? Il me reste autant à parcourir que ce que je viens (péniblement) de faire ?
Soixante et onzième kilomètre : mais où est donc la piscine ? Qui a mis ce ventilateur d’air chaud en route ?
Quatre vingt unième kilomètre : un miracle ! Un cheval mort…
Bon je sais bien ce que vous allez dire : en quoi est-ce un miracle qu’un pauvre animal ait été heurté par un camion et se retrouve raide et ensanglanté sur le bas-côté ?
Et bien ça ramène les paysans du coin qui sont venus récupérer la carcasse de la pauvre bête :

Donc une bonne dizaine de Kazakhs sont à l’œuvre pour emmener la carcasse. Et il s’en trouve deux qui ont la gentillesse de me donner de l’eau
Après cet intermède je me dis que je ne vais pas mourir de soif d’ici Khantau.
Mais rien à faire : la déshydratation est plus rapide que l’hydratation.
Au bout de 5 kilomètres, une ancienne station ou café, en ruines, me laisse espérer un peu d’ombre. L’ombre c’est le repos (je vous l’ai déjà dit je crois, excusez moi, ce sont les effets secondaires…).
En fait j’arrive chez Zingaro et toute sa famille… environ cinquante chevaux, étalons, juments, poulains ont élu domicile dans cette ruine.
Je ne me démonte pas et je m’approche de cette petite troupe qui devient vite très nerveuse en me voyant : je ne sais pas pourquoi mais quand les animaux me voient sur mon vélo, ils sont pris de panique (sauf les chiens…).

Ceux qui sont à l’intérieur n’ont, a priori, pas du tout l’intention de me céder leur place. De mon côté je n’ai pas l’intention d’envahir leur domaine : c’est un énorme box, qui n’a pas été « fait » depuis l’origine du monde.
Donc je vous laisse imaginer l’odeur, les mouches, le bruit des sabots, les hennissements…

Peut-être ma présence les dérange-t-elle quand même car brutalement toute la cavalerie part se promener.
Je me retrouve maître des lieux mais, pour autant, impossible de prendre leur place :

J’en suis réduit à un abri précaire et difficile de se reposer dans ces conditions. 
J’ai le temps de les photographier ou de les filmer sous toutes les coutures mais surtout je comprends mieux comment un accident entre un cheval et un camion (ou voiture) peut se produire : les chevaux se promènent le long de la route, la traversent sans tenir compte le moins du monde des concerts de klaxon que ça déclenche. 
Je me décide à repartir sans beaucoup de conviction mais j’ai compris que cet endroit appartenait plus aux chevaux qu’à l’espèce humaine.
Au bout d’un kilomètre ou deux, un autre miracle se produit (décidément ça sert d’avoir un jour anniversaire pour obtenir des petits coups de pousse du destin) : un autocar qui semble en panne est garé sur le bas-côté de la route.
Arrivé à leur hauteur je commence à discuter avec les passagers et les deux conducteurs.
C’est le moteur, pourtant allemand, de leur autocar qui a rendu l’âme. Ils attendent une dépanneuse pour un hypothétique remorquage. Les passagers quant à eux espèrent voir passer un bus qui leur permettrait de changer de monture.
Devant mon air épuisé, et après m’avoir fourni de l’eau et quelques biscuits, ils me proposent de me reposer sur la couchette de repos du conducteur qui ne conduit pas…
J’accepte et me voilà parti pour une heure de sommeil :

En me réveillant je prends la décision de planter ma tente dans le coin plutôt que de m’épuiser pour essayer d’arriver à Khantau où il n’y a de toute façon aucun hébergement et où je devrais soit me faire héberger chez l’habitant soit monter ma tente.
Dont acte…

Je suis à 50 mètres de l’autocar et de ses naufragés (dont une grande partie des passagers s’est échappée en prenant des bus qui se sont arrêtés par solidarité).

Les chauffeurs m’approvisionnent en eau et je prépare ma tambouille dans une carcasse de pneu :

Le lendemain matin, en me réveillant après une nuit somme toute assez calme, je m’intéresse à la vie des fourmis 😉

Pour le petit déjeuner les chauffeurs du car (qui sont bien sûr encore là avec un seul passager), m’empruntent mon réchaud pour faire un thé et nous partageons le repas à quatre.

Très gentiment les chauffeurs insistent pour que je reste avec eux et profite du bus pour avancer

C’est tentant mais il me reste environ 37 ou 38 kilomètres jusqu’à Khantau, une rigolade.
Donc me voilà reparti vers 8H30..,
Après quelques kilomètres une voiture s’arrête devant moi et c’est une série de photos et de selfies du couple avec deux enfants :

Pour me remercier j’ai droit à un verre de coca (dans mon gobelet) et quelques encouragements 😳.
Un peu plus loin, alors que je me suis arrêté pour me reposer et photographier un paquet de déchets plastiques, un cow-boy me rejoint avec ses deux chevaux et deux chiens. Il veut savoir… où je vais, d’où je viens. Il s’appelle Bâta et semble très sympathique. C’est moi qui lui propose de mon eau car il a une simple bouteille à moitié pleine accrochée à sa selle. En tout cas il accepte et boit une grande rasade d’une de mes gourdes.

Puis il repart vers son troupeau…
Je passe devant une ex-station service :

Enfin c’est l’arrivée à Khantau. La première impression est mitigée car je ne vois que de vieilles maisons en piteux état:;

Un automobiliste s’arrête pour savoir… où je vais.., etc. J’en profite pour lui demander s’il y a un magasin à Khantau. Réponse positive mais il faut faire demi-tour pour passer au dessus de la ligne de chemin de fer qui coupe le village en deux.
Après ce contournement je rentre dans le bourg et des policiers m’indiquent le magasin que strictement rien ne distingue des autres maisons du village :

Surprise agréable, le magasin est tenu par un jeune homme à la mine éveillée qui maîtrise Google Traduction mieux que moi.
Je lui achète un coca mais surtout je le questionne dans tous les sens sur la possibilité de me loger à Khantau.

Je lui demande si par hasard, dans cette maison ou sous le préau je pourrais m’installer pour une nuit.
Il m’explique que c’est la maison de sa grand-mère et qu’il faut lui demander la permission
Il l’appelle : c’est niet ☹️. Devant mon air dépité il l’a rappelle et elle lui parle d’une autre maison… à 30 km d’ici. Si c’est dans la direction de Shu, l’étape suivante, pourquoi pas. Mais autre coup de fil et là encore c’est non.
Je lui demande s’il y a un endroit à Khantau où je pourrais installer ma tente…
Arsen dit qu’il m’emmène là où je pourrais m’installer…
Effectivement il me conduit dans un endroit totalement différent du reste de Khantau : c’est tout vert, un ruisseau serpente sur une petite prairie, il y a des arbres, trois chevaux…

Je m’installe illico presto…

A peine la tente montée un voisin vient m’inviter pour le thé et manger un morceau 😋

Des amis sont à table avec lui :

Il a un petit garçon, Oularat, et une petite fille, Aïcha


Toute l’après-midi c’est un défilé d’enfants

Puis c’est le tour des jeunes adultes


Le défilé ne cesse pas… un autre voisin est venu me proposer de prendre le thé. Je manque de temps pour me reposer, pour donner suite aux invitations, pour faire un brin de toilette à la source (la lessive est faite)
Un ancien, nettement alcoolisé, vient me voir :

Je continue à aller voir Arsen qui est le seul avec qui je converse assez facilement. Il recharge mes batteries de secours. Je lui achète des œufs et des sardines pour mon repas. Je le questionne sur la météo, le trajet jusqu’à Shu.
Il me dit qu’il va probablement partir à Shu en train demain à 9H.
Je me dis que ça serait une découverte sympa de prendre le train de Khantau à Shu…
Je suis relancé par Askar pour le thé, il me dit qu’il m’attend à 9H.
Je prépare mon dîner devant une bonne partie des enfants du village.
A 8H c’est le rassemblement autour de la source pour faire le plein des bidons :

A 21H on m’apporte une assiette d’un plat Kazakh : c’est brûlant !

Au même moment Askar vient me chercher pour le thé… j’emmène donc mon assiette chez lui.
Le thé est servi par Askar : il y a des fruits, des pâtisseries.
Puis Amina, sa femme, arrive avec une ribambelle de plats, viande, légumes…

Amina se débrouille très bien avec le traducteur Google de son téléphone. La conversation porte sur les enfants, le travail, même la guerre en Ukraine.
Elle appelle un de ses filles qui est guide à Almaty et parle (un peu) anglais.
Je suis ensuite convié à dormir sur place… l’hospitalité Kazakh n’est pas un mythe.
Je vais chercher quelques affaires dans la tente, mon vélo et me voilà installé dans un lit dans la cuisine d’été :

Il est convenu qu’Askar me conduira à la gare (2mn à pied ! ) après le petit déjeuner.
Nuit un leu compliquée car le lit n’est pas très long (…) et le sommier un peu usagé mais c’est l’intention qui compte.
A 6H30 je vais démonter ma tente et je ramène toutes mes affaires chez Amina et Askar.
Nous prenons un petit déjeuner à trois et Askar me conduit à la gare :

Le vélo est monté dans le train tant bien que mal et voilà le train parti !

Toutes les places sont prises à bord

Puis c’est l’arrivée à Shu à 11H.
En face de la gare un jeune couple fait des photos devant une inscription « I ❤️ Shu ». J’en profite 😊

Et nous faisons une photo à trois

Puis c’est l’hôtel (Shyngyzkhan pour ceux que ça intéresse), juste en face de la gare.
Douche, lessive, blog, repos, repas… la routine !
À bientôt !
Bravo Mon Steph’Anne ! À 69 ans, il faut le faire…. bises aux chiens 🥰🥰🥰
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Ça a l’air désert ton périple…comment fais-tu pour la monnaie…? Il ne doit pas avoir de distributeur à tous les coins de rue…
As-tu fait le plein à Astana mais alors c’est dangereux tu es une banque ambulante
Bon bronzage
Bises
Jean-Louis
PS: j’ai oublié le nom de la monnaie !
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Je retire des Tenge dans des Bancomat qu’on trouve assez facilement. Le mode de paiement le plus répandu ici c’est Kaspy avec une application téléphone mobile. Tout le monde utilise ce système, commerçants comme clients.
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Félicitations pour ton entre dans cette fameuse année erotique…
Jean-Louis
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Je commençais à m’inquiéter, je croyais même que ma boîte mail avait un problème. Mais tout va bien finalement, tu n’es pas mort ni de soif, ni de faim et le soleil ne t’a pas fait perdre ton humour ! Courage et bonne route. Bises Annie
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Ce qui est sympa avec l’humour c’est que je suis le premier à sourire de mes blagues 😉
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Bonsoir Stéphane,
Content de te « retrouver » dans ton périple et tes rencontres.
Bonne continuation.
Michel
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Merci Michel. La journée de jeudi a été rude et j’ai un peu de mal à reconstituer mes forces. Je vais sauter 2 étapes en prenant le train et en profiter pour faire un petit tour dans une oasis qui paraît-il est superbe 🤩
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Tu nous tiens en haleine avec tes récits condensés , tu écris de mieux en mieux…peut etre le soleil et la surchauffe. En tous les cas j’ai adoré la compagnie du criquet et « l’intention qui compte » pour le lit trop petit. A ta place je serai monté dans les camions depuis longtemps, je note que tu as craqué, avec raison, pour le train, n’hesites pas nous tenons à toi . Patrick
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Je continue dans la paresse 🤗. Encore un trajet en train jusqu’à Taraz… je vais essayer de faire un peu de tourisme pour ne pas vous bassiner avec des récits de poussière et de chaleur.
Le train en 3eme classe… c’est la classe ! Bisous !
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Houla, quelle journée d’anniversaire !! Contente de te lire tu me fais voyager ! Vive le train 😉 Obligé de tester la sncf locale en tant que descendant de cheminot 😂
Bon courage pour la suite 😘
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Hello Papa,
Je suis content comme l’ensemble de ton (Sté) fan club de retrouver un article sur ton blog ! Comme le dit Lorraine, « tu nous fais voyager » et ce RDV quotidien en Terre Inconnue est assez addictif ! Prends soin de toi, continues de faire de belles rencontres et de pousser sur tes pédales ! Bravo !
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Un vrai bonheur de te lire. Merci!
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Comme tout le monde 3 jours sans ma lecture quotidienne de ton périple ont été source d’inquiétude mais te revoilà revenu avec ta plume et ton humour 🙂
Bon courage
Claire
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Bravo Stéphane ,quel plaisir de lire tes aventures chaque jour pour moi c’est comme (voyage en terre inconnue) fais quand même attention ⚠️ à ta santé , la chaleur, la soif peuvent être un gros souci. Je te décerne la médaille 🥇 Du meilleur cycliste vagabond
Courage pour la suite 🚵♂️ Bisous Alain Francoise
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Merci à tous les deux pour vos encouragements 🤩. C’est vrai que c’est un peu un voyage en terre inconnue mais une terre remplie de personnes prévenantes et attentionnées 😎
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