2022-06-22 Le goût du voyage…

D’où vient le goût du voyage ? Quel est le goût du voyage ?

Quand on part on s’arrache de quelque chose qui est souvent un mélange de confort et d’habitude.

L’envie de découverte, d’aventure, de rencontres sont des ingrédients difficiles à dissocier.

Mon penchant « naturel » est d’être plutôt casanier et il faut que je prenne sur moi pour me lancer en dehors du cocon.

Bien sûr le vélo est un vecteur qui motive et qui soutient l’envie de voyager. Je trouve que c’est un excellent compromis entre voyager à pied et prendre des moyens de transport plus rapides (voiture, train, avion).

Arriver quelque part en vélo suscite toujours la curiosité : « D’où tu viens ? » « Où tu vas ? » « Depuis combien de jours tu roules ? » sont les trois questions qui sont posées systématiquement. Bien sûr c’est le prémisse à une conversation que la barrière de la langue ne facilite pas toujours. Mais chaque rencontre est l’occasion d’en savoir un peu (un tout petit peu) plus sur les gens qu’on rencontre. Et si j’étais passé en voiture, à l’abri d’un habitacle climatisé, je n’aurais jamais eu tous ces contacts.

Donc l’envie du voyage est pour beaucoup liée aux rencontres qu’on peut faire

On pourrait formuler les choses autrement en disant que les rencontres faites durant un voyage compensent la distance qui nous sépare de la famille et des amis. Les contacts, souvent éphémères, que l’on noue à l’occasion de ces rencontres ont une intensité inversement proportionnelle à leur durée.

Je suis un animal social et j’aime ce contact, parfois fugace (un simple regard et un sourire) ou un peu plus long, qui donne le sentiment d’exister ou de ne pas être totalement seul dans un pays qu’on ne connaît pas et où personne ne nous connaît.

Aujourd’hui en feuilletant Facebook je suis tombé sur deux citations sur le voyage (Marc Zuckerberg doit bien me connaître pour insérer ce genre de contenu dans mon fil d’actualité…).

La première de Pierre Falardeau est un peu dure pour les gens qui ne voyagent pas…

Personne ne m’a reproché d’aller trop loin. On s’en est parfois inquiété ou étonné, mais critiqué jamais.

Au contraire nombreux sont ceux qui me disent que la lecture de mes petits comptes rendus leur permet de voyager, presque par procuration 😎

Quand je regarde « Rendez vous en terre inconnue » je voyage moi aussi par procuration, tranquillement assis dans mon fauteuil, donc l’un n’exclut pas l’autre.

D’ailleurs souvent les voyages des autres peuvent inspirer nos propres voyages. Il en a été ainsi pour ma traversée de la Sibérie, après avoir entendu Géraldine Dunbar parler de son trajet de Moscou à Vladivostok en Transsibérien.

Et pour le parcours que je viens d’effectuer de Nur-Sultan à Tashkent, j’ai calqué ma route sur celle de Fabrice et sa famille (chez qui je suis hébergé en ce moment à Tashkent) fin février.

L’inspiration du voyage naît souvent de voyages qui ont déjà été effectués… c’est comme ça 😎

L’autre citation est de Marcel Proust :

Dire qu’en changeant de regard on voyage, c’est certainement vrai (je ne vais quand même pas contredire Proust…), encore que ça ressemble à un voyage intérieur. A part Venise et Padoue, Marcel Proust n’a pas été un grand voyageur, et je sais qu’il a passé beaucoup de temps allongé dans son lit pour écrire À la recherche du temps perdu.

Cette phrase m’a interpelé car si je m’étais appelé Marcel Proust (au passage, Marcel est mon deuxième prénom) j’aurais écrit : « Le seul, le vrai, l’unique intérêt du voyage, c’est de changer de regard ».

Donc, son approche du voyage comme étant un changement de regard, lui correspond bien.

Mais en fait le voyage oblige ou permet de changer de regard sur ce qui nous entoure soit parce qu’on découvre de nouveaux lieux, de nouvelles mœurs, de nouvelles habitudes, soit parce qu’on voit autrement le milieu et les gens qu’on fréquente habituellement.

J’ai commencé à écrire cet article par une double question : d’où vient le goût du voyage ? Et « Quel est le goût du voyage ? »

En effet le voyage est principalement une affaire de perception d’un nouvel environnement par nos cinq sens.

Bien sûr par la vue, mais le goût, le toucher, l’ouïe et l’odorat participent également pleinement du voyage.

Quand on voyage, peut être plus en vélo ou à pied qu’en voiture ou en avion, on ressent avec acuité tout ce qui nous entoure

Bien sûr on commence par observer, les paysages, les reliefs, les nuages, la végétation, les animaux, les gens. La nouveauté qu’entraîne le voyage dans des lieux inconnus, crée une attention visuelle de tous les instants.

L’appareil photo va permettre de fixer certaines de ces images, mais quelques centaines de photos sont un bien faible échantillon de tout ce qu’on peut voir en voyageant

Les eaux boueuses d’une rivière, le signe de la main entr’aperçu derrière le pare brise d’un camion ou d’une voiture, les couleurs d’un lac comme le Balkhash, le sourire d’enfants sur le bord du chemin, le type ivre mort, allongé dans un abri bus un matin tôt… toutes ces images qui ne seront gravées que dans ma mémoire !

Il me faudrait le talent de dessinateur de mon ami du CPA, Patrick, pour remplir de mémoire des carnets de croquis. Hélas je n’ai pas ce talent, loin de là 🫣

Mais le voyage c’est aussi une affaire de goût. Le goût des mets qu’on découvre, le goût de la nourriture qu’on a emmené avec soi.

Le voyage que je viens de terminer aura plusieurs goûts : celui des biscuits avec des graines de tournesol, achetés à Karaganda. Biscuits que j’ai arrosés copieusement de Сгущенка (Skudchenka, le lait concentré sucré). Celui du thé, vert, noir, de Tashkent, avec ou sans sucre, avec ou sans lait : j’en ai ingurgité des litres, brûlants, froids, tièdes.

Le goût du mouton, en ragoût, en brochette, en kebab, celui des raviolis servis en soupe ou en accompagnement (farcis avec du mouton 😉). Le goût du poisson du lac Balkhash mangé dans un petit restaurant de routiers. Celui encore du bortch servi dans ce café perdu au milieu de nulle part. Les bananes achetées sur le bord de la route. Les « somsa » de Tashkent, farcis de purée depommes de terre ou de viande (de mouton) hachée.

Tous ces goûts resteront gravés dans ma mémoire et je ne pourrais vous les partager qu’avec des mots…

Pour les sons j’ai pu vous donner au moins un titre d’une playlist qui m’accompagne la plupart du temps quand je roule.

Mais le bruit des camions et des voitures qui varie selon le revêtement (ou l’absence de revêtement 😬) comment vous le transmettre ?

Celui des oiseaux qui sont nombreux et souvent magnifiques…

Au sujet des oiseaux, je n’ai pas voulu photographier les oiseaux écrasés au bord de la route – ça n’est pas un spectacle agréable – mais c’est une véritable hécatombe. Près de Nurkent je n’avais jamais vu de ma vie autant de corbeaux. J’étais accompagné par un concert de coassements et je me récitais mentalement le corbeau et le renard en argot « Un goupil pas mariole qui n’avait dans la fiole qu’un vent de clou comme béctance, se radine en loucedé et lui tient c’te jactance… ». A cet endroit des dizaines de corbeaux écrasés sur le bord de la route 🥵, dont un qui s’est fait écraser juste à ma hauteur et que j’ai vu agoniser, sur le dos, battant encore faiblement des ailes.

Ce massacre des oiseaux n’est pas propre au Kazakhstan, c’est exactement la même chose en France. Je suis toujours étonné quand j’entends critiquer les éoliennes comme source de danger pour les oiseaux : à mon avis les voitures et les camions font nettement pire.

Pour l’odorat il y a bien sûr des odeurs, nouvelles ou connues, qu’on ressent beaucoup plus en vélo car on est constamment à l’air libre.

Je n’en retiendrai qu’une : celle du lac Balkhash. Je ne pense pas que ce soit le lac lui même qui ait eu ce parfum doux et sucré qui m’a accompagné pendant près de 300 kilomètres, mais croyez moi c’était un délice. Un mélange subtil de fleurs et d’épices qui me parvenait quand un léger vent soufflait depuis le lac.

Peut être faut il venir à une période précise de l’année pour sentir une espèce de fleur qui ne pousse que peu de temps ? En tout cas j’ai eu la chance d’en respirer les effluves… Vive le voyage olfactif !

Pour le toucher, la première sensation qui me vient à l’esprit ce sont les vibrations des poignées du guidon dans les mains quand on passe dans des zones en terre avec cet effet « tôle ondulée » qui se forme avec plein de petites vagues sur la route où le chemin. Difficile de surfer sur ces vagues… peut être faudrait-il comme dans « le salaire de la peur » rouler à 80 ou 100 pour rester à la surface des vagues… en vélo ça semble impossible 😬. Les vibrations se transmettent des mains aux bras, des bras aux épaules, des épaules au cou, du cou à la tête, il faut serrer les dents pour éviter qu’elles ne s’entrechoquent.

Avec ce régime j’ai perdu la sensibilité au bout des doigts et cette sensation commence à peine à disparaître…

Le deuxième souvenir lié au toucher, ce sont les poignées de mains échangées avec ces inconnus rencontrés au fur et à mesure du voyage : parfois de simples checks avec des passants sur le trottoir qui tendent le bras, parfois de solides échanges de doigts (!) ou des salutations avec quatre mains qui se serrent doucement en signe de respect réciproque.

J’aurais pu chanter comme Sheila « Donne moi ta main et prends la mienne ! » mais qui se souvient de cette chanson…?

Voilà comment le voyage s’imprime dans notre mémoire : tous les sens y participent.

Les mots, les pauvres mots, avec lesquels je décris mon voyage peinent à vous rendre compte de toutes ces sensations, parfois violentes, parfois plus subtiles qui assaillent le voyageur sur son vélo 🤗

Avec un peu d’imagination, j’espère que vous y parviendrez 😊

14 réflexions sur « 2022-06-22 Le goût du voyage… »

  1. La force de ton écriture c’est qu’elle nous ouvre à un 6ème sens : l’imagination ! Pour ma part, j’ai l’impression que ton sens du voyage en vélo a deux moteurs principaux : ton ouverture d’esprit et ton goût de l’effort ! Profitez-bien de ces moments à deux avec Anne, car le partage c’est aussi un voyage !

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  2. Pour moi le gout du voyage c’est avant tout l’approche de la connaissance des autres pour mieux les comprendre et essayer d’approcher leur intimité culturelle et plus encore quand les rencontres le permettent…mais transmettre est l’essentiel et c’est à travers cette expérience qu’il faut en faire bénéficier nos concitoyens…voyager m’a beaucoup aider dans mon métier et les orientations qui ont été pour moi déterminantes dans l’approche de mes patients
    Mais peut-être n’est-il pas nécessaire d’aller si loin pour ceux qui ne le peuvent pas…allez faire un tour à Roubaix vers l’Epeule ,le pile ou de l’Alma j’y ai travaillé longtemps ce sont des gens formidables qu’on a malheureusement abandonné comme bien d’autres dans le monde….la géopolitique est maitre….la preuve tu as inauguré la nouvelle route de la soie à vélo
    mais pour finir le plus important c’est QUE TU TE SOIS FAIT PLAISIR……

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  3. Bravo Stephane, tu m’interroges sur ma difficulté à quitter mon confort…mais surtout tu apportes des réponses..merci pour tous ces mots si beaux…tu t’es lâché comme sur un divan (la selle était sans doute moins confortable) merci pour cette confiance, une séance devrait suffire…Patrick

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  4. …Philosophie et écriture.., belle conclusion. Merci pour le partage d’un exceptionnel parcours.. Meilleurs souhaits de récupération physique…

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    1. Merci beaucoup Henri. Je n’ai pas vraiment voulu conclure mais peut être faire un trait d’union avec la suite du voyage en compagnie d’Anne (qui arrive ce soir à Tashkent): j’espère avoir quelques nouvelles expériences à partager en visitant quelques villes de la route de la soie 😊

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  5. Pour celles et ceux que ça intéresse, voici les statistiques en Amérique du Nord des principales raisons de mortalité des oiseaux.
    Les chats sont loin devant les vitres d’immeubles, suivies des collisions avec les véhicules, puis viennent les collisions et électrocution avec les lignes et poteaux électriques. Les éoliennes sont loin derrière.

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    1. Et où sont les chasseurs ? Et les oiseaux qui s’entretuent ! On vient de relater l’histoire d’une cigogne mâle, venue d’Allemagne paraît il, qui attaquait et tuait les petites cigognes alsaciennes dans leur nid…

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  6. Bonjour Stéphane,
    Je suis dans la M…e car une nouvelle com…ptable a repris la gestion de mon dossier en cours de route et elle vient juste de m’envoyer un projet de bilan alors que les Impôts viennent de me relancer …pour retard de déclaration ! Avec le même CA que l’année dernière, elle a divisé mes bénéfices par trois, avec les mêmes charges , ce qui n’est pas possible !!! Elle a dû se tromper à la ligne amortissement et provision !!!! Évidemment je suis gagnante mais je n’ai pas envie d’avoir un contrôle et de payer un rappel et des pénalités….Et surtout avec un si petit bénéfice ….mon bureau ne vaut rien !!! Je suis désolée de te de demander si je peux t’envoyer mon bilan et à quelle adresse alors que tu es à des années lumières ….D’UNICIS …et de ses emmerdes , juste pour me conforter dans mes calculs.
    Meriiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii

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      1. Ne t’inquiète pas , les vacances ne m’ont jamais empêché de réfléchir, ni de travailler ni surtout de rendre service à mon amie Viviane 🤗

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      2. Et voilà ! Je te l’ai envoyé …..
        MERCIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII

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