2022-06-30 Un tour de Boukhara

Molla Nasreddin, la figure locale de Boukhara

Au lieu d’écrire « un tour de Boukhara », j’aurais pu écrire « le four de Boukhara ».

En effet, à la sortie du train rapide climatisé, les 42° et le soleil généreux, donnent une sympathique impression de se retrouver dans un four à pain 🥵

Heureusement le Guest House où nous allons directement poser nos bagages s’appelle « Hélène Oasis » (il a été créé par une Française) et il porte bien son nom…

Mais la parenthèse est de courte durée : Nasrulo nous emmène dans un restaurant, heureusement assez proche. Retour dans la fournaise. La température atteint maintenant 45° : les rues de l’ancien quartier juif sont désertes.

La façade de l’ancienne synagogue de Boukhara

Après le repas, une petite sieste pour éviter le pic des 47° n’est pas de refus.

La ville de Boukhara est parsemée de bassins et traversée de canaux.

Des arbres magnifiques profitent de cette eau abondante :

Celui ci a été planté en 1477

A côté de cet écrin de verdure une statue a été érigée en l’honneur de l’enfant (imaginaire) du pays Mollah Nasreddin.

Figure emblématique et incontournable de toutes les fêtes, célébrations en Ouzbékistan, Boukhara revendique être le lieu de naissance de Molla Nasreddin, personnage célèbre dans tous le Moyen-Orient, les pays du Maghreb, la Turquie, l’Asie Centrale…

Les histoires de Nasreddin oscillent entre la blague, la fable et sa morale ou même une petite leçon de philosophie.

Je vous en donnerai deux ou trois exemples à la fin de cet article.

Et je vous invite à lire l’article de Wikipedia Hodja Nasr Eddin qui lui est consacré. Vous y apprendrez, entre autres, qu’Omar Sharif a joué le rôle de Nasreddin dans un film avec Claudia Cardinale, film primé au Festival de Cannes en 1958.

Revenons à Boukhara.

Cette ville a été capitale de l’Ouzbékistan, en alternance avec Samarcande, pendant des siècles. On y trouve donc la panoplie complète des monuments d’une ville importante : médersas, palais, mosquées, tombeaux, caravansérails, bazars…

Lors de son « passage » à Boukhara, Gengis Khan a appliqué la même méthode qu’à Samarcande (et certainement dans pas mal d’autres villes) : tout raser jusqu’à la végétation. Il y a donc très peu de vestiges antérieurs au XIIIème siècle à l’exception notable du mausolée des Samanides, ou tombeau d’Ismaïl, construit au début du dixième siècle et du grand minaret de Kanon, construit en 1127.

Le minaret de Kanon

Le minaret de Kanon aurait été épargné par Gengis Khan car, selon la légende, en levant la tête pour voir le sommet du minaret, il aurait fait tomber sa toque. Il aurait dit ensuite qu’un minaret devant lequel Gengis Khan s’était découvert ne devait pas être rasé.

Le mausolée des Samanides

Pour le mausolée, il y a deux hypothèses qui expliqueraient qu’il ait été épargné par Gengis Kahn : soit le fait qu’il abrite une sépulture justifierait la clémence des Mongols, soit qu’il ait déjà été enseveli par les sables au treizième siècle, ce qui l’aurait caché à la vue des envahisseurs (c’est un archéologue russe, Chichine, qui l’a découvert sous le sable en 1934).

Tchor Minor

La visite de Boukhara commence par un ancien caravansérail – madrassa – mosquée érigée par un Turkmène, Khalif Niyazkoul, pour sa communauté.

Les quatre tours de Tchor Minor évoquent un tabouret renversé.
L’ entrée de Tchor Minor

Le complexe Po-i-Kalon

Il comprend la mosquée Kalon (1514), un minaret d’une ancienne mosquée (1127) et la madrasaMir-i-Arab

La cour de la mosquée Kalon.
La cour de la mosquée Kalon.
Le minaret Kalon et l’entrée de la mosquée
La porte d’entrée de la mosquée
La galerie entourant la cour de la mosquée Kalon
Le sommet du minaret qui servait de phare pour les caravanes approchant de Boukhara
Une vieille maison typique du centre de Boukhara

La madrasa Koukeldash (15681569) est la plus grande madrasa de la ville [7]; elle mesure 80 m sur 60 m et comprend 160 cellules sur deux niveaux. Elle fut construite en 1568 par Koulbaba Koukeldach. C’est aujourd’hui un musée consacré à l’écrivain Sadriddin Aini.

Le mausolée des Samanides

Le mausolée des Samanides ou tombeau d’Ismaïl, a été construit au début du dixième siècle.

D’après notre guide Nasrulo, il y aurait plus de 19 positions différentes pour les briques (on est loin du Kama Sutra…)

Le musée de l’eau

Il abrite également la sépulture d’un soufi :

Le marché couvert de Boukhara

Des fruits secs…
Des légumes…
Du pain…
Encore du pain…
Toujours du pain…,
Des épices…

La mosquée Bolo Haouz

La mosquée Bolo Haouz, ce qui signifie « près du bassin », (1712) est située sur le Registan, à côté de la citadelle Ark et d’un bassin qui lui a donné son nom. Elle s‘ouvre sur un iwan* de 12 mètres de haut, au plafond à caissons finement décoré, soutenu par vingt colonnes de bois peint, avec des chapiteaux à muqarnas*. Cette mosquée était utilisée régulièrement par l’émir.

* j’utilise ces mots pour les retenir pour le Scrabble

La « Tour de Boukhara »

Nous quittons les monuments historiques pour arriver de plein pied dans le vingtième siècle avec cette tour métallique.

Fonctionnelle avant tout c’était, à l’origine un château d’eau.

Le château d’eau au début des années 50.

Ce qui m’a interpellé c’est la structure métallique très particulière de cette tour.

En effet son concepteur, Vladimir Choukhov, qu’on a surnommé « l’Edison russe », ingénieur et mathématicien brillant, a réalisé plusieurs tours sur ce même principe.

Un timbre de 4 Kopeks des Postes de l’URSS émis en 1963 pour le cent dixième anniversaire de la naissance de Vladimir CHOUKHOV

Lors de mon voyage en Sibérie en 2018 j’avais vu une première tour à Nijni Novgorod

La tour Choukhov de Nijni Novgorod

Quelques jours plus tard j’en avais vu une autre à Moscou :

Cette structure métallique très particulière s’appelle « hyperboloïde ». Cette forme de charpente métallique permet d’édifier des tours très légères et capables de supporter des masses importantes. Au lieu de le surnommer « l’Edison russe », on aurait pu l’appeler « le Gustave Eiffel russe ». Imaginons un instant que notre Tour Eiffel ait été construite sur ce principe, comme pour le nez de Cléopatre, la face du monde en eut été changée 🤥

Vladimir Choukhov ne s’est pas contenté d’édifier des tours : concepteur des premiers oléoducs, il a déposé un brevet décisif pour le craquage du pétrole (pour en extraire le fuel, l’essence, le super carburant…), il a construit près de 180 ponts sur la Volga, huit pavillons d’exposition pour la Foire de Nijni Novgorod, des galeries en verrière, comme celle du Goum à Moscou et 200 tours hyperboloïdes partout dans le monde.

C’était aussi un photographe passionné qui a laissé plus de 2.000 négatifs dans des genres très différents.

En tout cas avec sa Tour de Boukhara il nous donne l’occasion de faire quelques clichés supplémentaires puisqu’aujourd’hui le château d’eau a été remplacé par une terrasse panoramique…

L’école-atelier de la miniature

Au détour d’une rue (et à moins de 50 mètres de notre hôtel…) se trouve un merveilleux atelier de la miniature.

Entrés un peu par hasard par une porte plutôt banale, à l’intérieur c’est une splendeur de tableaux de miniatures

C’est surtout l’occasion d’une rencontre exceptionnelle avec Davlat Toshev, le maître des lieux qui nous explique avec passion la symbolique et le sens de ses tableaux.

Davlat Toshev, entouré par Anne et Nasroulo

Non seulement c’est un artiste, mais il s’est transformé en fabricant de papier pour créer des feuilles destinées à ses peintures de miniatures.

Davlat Toshev

Il a maîtrisé la technique de fabrication du papier de Samarcande en la perfectionnant et en lui ajoutant de véritables fils de soie.

Donc le papier de soie existe bien, contrairement à ce que je vous avais dit après ma visite de la fabrique de papier de Samarcande. Et effectivement les feuilles de ce papier ont un toucher nettement plus doux et semblent plus adaptées à la finesse des pinceaux qu’ils utilisent.

Davlat Toshev est d’abord un peintre miniaturiste reconnu. Ses œuvres ont été exposées dans de nombreux pays, dont la France, et il participe à une grande exposition sur l’Ouzbékistan au Musée du Louvre à partir du mois de novembre 2022.

Davlat Toshev forme également de jeunes miniaturistes. Ses meilleurs élèves sont des sourds muets qu’il forme gratuitement.

Enfin Davlat est aussi un conteur merveilleux et captivant quand il commence à raconter l’histoire de Scheherazade ou celle des oiseaux qui mangent les fruits d’un grenadier pour monter au paradis…

Comme vous voyez cette visite de Boukhara a été très intéressante et instructive. Un grand merci à mon ami Patrick qui m’a permis de « rencontrer » Nasreddin 😉

Quelques histoires de Nasreddin…

Le sermon

Un jour Nasreddin arrive dans un village. 
Les villageois viennent le voir respectueusement et lui demandent s’il peut leur faire un sermon le soir même.
Nasreddin, honoré, accepte et le soir tout le village est assemblé pour écouter les paroles du sage Nasreddin.
Nasreddin prend la parole et leur demande s’ils savent de quoi il va leur parler…
Les villageois en cœur répondent « Non, Nasreddin, nous ne le savons pas ! »
Alors Nasreddin leur répond : « Je ne vais pas faire un discours à des personnes qui ne savent même pas de quoi je vais parler… » et il s’en va, les laissant un peu interloqués.
Le lendemain les villageois retournent voir Nasreddin et lui renouvellent leur demande : « Est-ce que le sage Nasreddin accepterait de nous parler ce soir pour partager avec nous son savoir ? »
Nasreddin accepte et le soir tout le village est assemblé pour écouter Nasreddin.
Nasreddin leur demande à nouveau : « Est-ce que vous savez de quoi je vais vous parler ? »
Les villageois qui s’étaient préparés à cette question répondent en cœur : « Oui, Nasreddin, nous le savons »
Nasreddin leur répond alors : « Si vous savez de quoi je vais vous parler, alors ce n’est pas la peine que je vous parle » et il les laisse en plan…
Le lendemain, les villageois nullement découragés, retournent voir Nasreddin et renouvellent leur demande que Nasreddin accepte…
Le soir venu tout le village est assemblé pour écouter Nasreddin.
Et Nasreddin leur demande à nouveau s’ils savent de quoi il va leur parler…
Les villageois s’étant préparés à cette question, la moitié lui répondent « Oui, Nasreddin, nous le savons » et l’autre moitié des villageois répondent « Non, Nasreddin, nous ne le savons pas ».
Alors Nasreddin se lève et leur dit : « Ceux d’entre vous qui savent de quoi je vais parler n’ont qu’à l’expliquer à ceux qui ne le savent pas ».
Et sur ces bonnes paroles il les quitta.

Nasreddin, son âne et le voisin

Un matin où Nasreddin était occupé dans son jardin, un de ses voisins vint lui demander s’il pouvait lui emprunter son âne pour transporter une lourde charge jusqu’au village. 
Nasreddin qui n’avait pas trop envie de prêter son âne à ce voisin qu’il n’appréciait pas beaucoup lui répondit : « Désolé, cher voisin, mais j’ai déjà prêté mon âne à mon beau fils qui est venu le prendre ce matin de bonne heure… ».
C’est ce moment précis que choisit l’âne de Nasreddin, qui se trouvait dans son écurie de l’autre côté du mur, pour braire bruyamment…
Le voisin dit à Nasreddin : « Comment ton âne peut-il être de l’autre côté du mur et, en même temps, parti avec ton gendre ? »
Ce à quoi Nasreddin répondit : « Enfin, cher voisin, entre un âne et moi, Nasreddin, ton voisin depuis de si nombreuses années, tu ne vas quand même pas croire ce que te dit un âne…? »

2 réflexions sur « 2022-06-30 Un tour de Boukhara »

  1. Merci pour ces belles visites.
    A propos du Scrabble, j’attends avec impatience ton retour pour reprendre nos joutes mais tu ne t’étais pas privé de jouer « iwan » même avant de visiter l’ousbekistan.
    Pour les histoires de Nasreddin, mes petites filles Audrey et Dilan sont des expertes, elles ont été actrices de sketches pendant leur scolarité ; quant à moi j’ai appris quelques fables quand j’étudiais le turc.
    Bonne continuation à vous deux et à bientôt.
    Annie

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